L’objectivation sexuelle des femmes : un puissant outil du patriarcat – Introduction

Partie 1 : définition et concept-clés

Partie 2 : le regard masculin ou male gaze

Partie 3 : les violences sexuelles, des actes d’objectivation extrêmes et dissociant

Je vais commencer une nouvelle série d’articles sur l’objectivation sexuelle des femmes, ce que c’est, comment cela se manifeste et quelles en sont les conséquences sur la vie des femmes. Dans cette introduction, je vais donner quelques concepts clés, faire un historique de cette notion, et résumer ce que l’on sait sur l’objectivation sexuelle. Dans les articles suivant, je vais détailler certains aspects particuliers de cette objectivation.

Définition et histoire d’un concept développé en philosophie

La notion d’objectivation sexuelle est une notion centrale du féminisme contemporain. L’objectivation sexuelle survient quand une personne est considérée, évaluée, réduite, et/ou traitée comme un simple corps par autrui1,2. Il s’agit de séparer une personne de son corps,  de certaines de ses parties corporelle ou de ses fonctions sexuelles, les réduisant au statut d’instruments ou les considérant comme étant en mesure de représenter la personne1,2.

Emmanuel Kant

Emmanuel Kant

Le premier à avoir introduit cette notion est le philosophe Emmanuel Kant3,4. Selon lui, le désir sexuel réduit autrui au statut d’objet. Cette objectivation est problématique car déshumanisante : « aussitôt qu’une personne devient un objet d’appétit pour autrui, tous les liens moraux se dissolvent, et la personne ainsi considérée n’est plus qu’une chose dont on use et se sert »5.  Selon Kant, un être humain est constitué d’un corps et d’un soi, liés de façon à ne pouvoir être séparés. Or l’objectivation sexuelle entraîne un désir envers le corps seulement, et non envers la personne dans son ensemble, ce qui est dégradant3.

Kant pensait que hommes et femmes pouvaient être objectivés, mais il était conscient qu’en pratique, les femmes étaient plus souvent victimes d’objectivation que les hommes, comme en témoigne son analyse du concubinage et de la prostitution, qui conduisaient selon lui à la réduction des femmes au statut d’objet d’appétit pour les hommes. Il croyait que la seule relation dans laquelle l’objectivation peut être évitée est le mariage monogame qui permettrait égalité et réciprocité3,4.

Le concept d’objectivation sexuelle a ensuite été repris par les féministes anti-pornographie Catharine MacKinnon et Andrea Dworkin3. Comme Kant, elles considéraient que l’objectivation sexuelle impliquait d’utiliser autrui pour satisfaire ses propres fins, ce qui induit une déshumanisation et une dégradation de la personne objectivée. A leurs yeux et à celui de Kant, l’objectivation est due à un différentiel de pouvoir : il y a d’un côté celui qui objective, et de l’autre la victime objectivée. Le pouvoir est bien entendu du côté du premier4.

andrea dworkin

Andrea Dworkin

Alors que Kant s’inquiétait de l’inégalité  dans l’unique cadre des relations polygames, MacKinnon et Dworkin croient qu’elle occupe toutes les sphères de la société. Au sein des sociétés patriarcales, les hommes et les femmes ont des rôles bien définis : les femmes sont objectivées par les hommes4.

Pour Dworkin et MacKinnon, la consommation de pornographie par les hommes est responsable de l’objectivation des femmes et de leur statut inférieur dans la société4. Précisons d’emblée que pour elles, la définition de « pornographie » est plus large que celle communément acceptée, puisque selon elles, la pornographie est « la subordination graphique, sexuellement explicite, des femmes au moyen d’images et/ou de mots »6. MacKinnon écrivit en 1987 : « Une personne, d’un point de vue kantien, est un agent libre et rationnel dont l’existence est une fin en soi, par opposition à un rôle. Dans la pornographie, les femmes existent pour le plaisir masculin »6. Les représentations sexuelles non dégradantes ne sont pas inclues dans leur définition3.

Catharine Mackinnon

Catharine Mackinnon

Alors que Kant voit l’exercice de la sexualité problématique en soi, ce n’est pas le cas de Dworkin et MacKinnon4. Pour elles, c’est la sexualité construite à travers la pornographie qui est dangereuse pour les femmes. Par ailleurs, elles ne considèrent pas que le mariage protège de l’objectivation. La solution qu’elles proposent est bien différente : il faut lutter contre les inégalités de genre et la pornographie.

Plus tard, la philosophe américaine Martha Nussbaum étudia également le concept d’objectivation7. Elle considérait que la pornographie n’était pas la principale cause de l’objectivation des femmes. Si pour elle, cette objectivation est en effet souvent causée par l’inégalité sociale entre hommes et femmes, il n’y aucun raison de croire que la pornographie est au cœur de cette inégalité. De plus, contrairement à Kant, Dworkin et MacKinnon, elle pensait que l’objectivation n’était pas toujours déshumanisante7. Elle considérait néanmoins qu’elle prenait souvent une forme négative et menaçait sérieusement la dignité humaine3.

Martha Nussbaum

Martha Nussbaum

Elle a par ailleurs détaillé sept caractéristiques  qui impliquent  l’idée de traiter quelqu’un comme un objet7 :

  1. L’instrumentalisation : le fait de traiter quelqu’un comme un objet pour ses propres fins
  2. Le déni d’autonomie : le fait de traiter quelqu’un comme manquant d’autonomie et d’autodétermination
  3. La passivité : le fait de traiter quelqu’un comme manquant d’agentivité (capacité à agir)
  4. L’interchangeabilité : le fait de traiter quelqu’un comme étant interchangeable avec des objets
  5. La violabilité : le fait de traiter quelqu’un comme n’ayant pas de limite à son intégrité.
  6. La possession :   le fait de traiter quelqu’un comme étant quelque chose qu’autrui possède, et qui peut être vendue ou achetée.
  7. Le déni de subjectivité : le fait de considérer que les expériences et les sentiments de la personne objectivée n’ont pas besoin d’être pris en compte.

Rae Langton en a par la suite rajouté trois8 :

  1. Réduction au corps : le fait d’identifier quelqu’un à son corps, ou à des parties corporelles.
  2. Réduction à l’apparence : le fait de traiter quelqu’un en fonction de son apparence physique principalement.
  3. Réduction au silence : le fait de traiter quelqu’un comme s’il/elle était silencieu-x-se ou incapable de parler.

Par ailleurs, les penseuses féministes ont aussi noté que dans nos sociétés les femmes sont plus souvent associées à leur corps que les hommes, et plus souvent évaluées en fonction de leur apparence. Quelque soit leur personnalité, les femmes sont perçues avant tout comme des corps conçus pour plaire et exciter. Devant se conformer constamment à des normes de beauté impossibles à atteindre, les femmes perdent beaucoup de temps, d’énergie et d’argent en soins de beauté.

Simone de Beauvoir

Simone de Beauvoir

Le fait d’être perçue et de se percevoir avant tout comme un corps avait déjà été analysé comme objectivant et dissociant par Simone de Beauvoir dès 1949 dans le Deuxième Sexe9 : « Elle devient un objet; et elle se saisit comme objet; c’est avec surprise qu’elle découvre ce nouvel aspect de son être: il lui semble qu’elle se dédouble; au lieu de coïncider exactement avec soi, voilà qu’elle se met à exister dehors»

Dans son livre Femininity and Domination1, la philosophe féministe Sandra Bartky a utilisé la théorie de l’aliénation de Marx pour expliquer les conséquences de l’objectivation sexuelle des femmes. Selon Marx, l’aliénation consiste en une fragmentation de la personne. Dans une société capitaliste, les travailleurs sont aliénés du produit de leur travail et leur personnalité est fragmentée. Bartky pense que les femmes, dans les sociétés patriarcales, subissent le même sort : « En y étant trop étroitement identifiées, l’être entier des femmes est identifié à leur corps, une chose qui a été considéré comme intrinsèquement moins humaine que l’esprit ou la personnalité. » L’esprit et la personnalité des femmes ne sont pas reconnus à leur juste titre; seul leur corps compte. Les femmes sont alors fragmentées, et cette fragmentation mène à l’objectivation puisque leur corps est séparé de leur personnalité et est censé les représenter.

Sandra Bartky

Sandra Bartky

Bartky explique aussi que, bien que l’objectivation implique généralement deux personnes – l’une qui objective et l’autre qui est objectivée -, il arrive parfois que l’objectiveur et l’objectivée soit une seule et même personne1. En effet, selon elle, en régime patriarcal les femmes se sentent constamment regardées par les hommes, et ressentent le besoin de leur plaire physiquement. Par le biais de pratiques disciplinaires (tyrannie de la minceur, du glabre, injonction à ne pas prendre trop de place…), les femmes apprennent à adopter un regard extérieur sur leur corps, et à se voir  elles-mêmes comme des objets de décoration1.  C’est ce qui s’appellera « auto-objectivation » en psychologie sociale.

La théorie de l’objectivation : une théorie de psychologie sociale

En s’inspirant notamment des écrits de Bartky, les chercheuses Barbara Fredrickson et Tomi-Ann Roberts ont mis au point en 1997 une théorie de psychologie sociale permettant d’expliquer l’impact de l’objectivation sexuelle sur la santé mentale des femmes2. Cela a permis de tester empiriquement certaines hypothèses émises par les philosophes citées précédemment, comme le fait que l’objectivation sexuelle est dégradante, qu’elle conduit les femmes à se considérer comme des objets, et qu’elle a des conséquences négatives sur leur santé psychique.

Cette théorie postule que beaucoup de femmes sont traitées comme des objets sexuels et que cela conduit à l’apparition de maladies mentales que l’on retrouve de manière prédominante chez les femmes (dépression, troubles alimentaires, etc.). Ce processus emprunte deux voies10. La première voie est directe : les expériences d’objectivation sexuelle (le fait d’être traitée par autrui comme un objet sexuel) provoquent directement des troubles mentaux. La seconde voie est indirecte et passe par l’intériorisation des femmes du  regard d’autrui sur elles-mêmes. C’est ce qu’on appelle l’auto-objectivation.

Le graphique ci-dessous tiré de l’article Sexual Objectification of Women: Advances to Theory and Research par Szymanski & Moffitt 2011 illustre assez bien les deux voies qu’emprunte l’objectivation sexuelle.

Graphique

Graphique résumant les conséquences de l’objectivation sexuelle

Tout commence par les expériences d’objectivation sexuelle, le fait d’être traitée comme un objet sexuel. Ces expériences d’objectivation sexuelle forment un continuum  qui part de l’inspection et de l’évaluation du corps des femmes, et va jusqu’aux violences sexuelles les plus graves (viol…)2,10. La façon la plus subtile, mais aussi la plus répandue, d’objectiver sexuellement une femme est d’inspecter visuellement son corps – un concept anglo-saxon, le male gaze (regard masculin) permet de rendre compte de ce phénomène2,11. Cette inspection visuelle peut avoir lieu directement, de personne à personne, quand un homme regarde le corps d’une femme, mais elle s’exprime aussi à travers les médias, comme la publicité, qui offrent au regard des corps sexualisés de femmes2.

Ses expériences extérieures d’objectivation sexuelle entraînent ce qu’on appelle l’auto-objectivation. Ce terme désigne l’intériorisation par les femmes du regard masculin sur leur propre corps et le fait qu’elles se traitent elles-mêmes comme un objet à regarder et à évaluer2,11. Les conséquences de l’auto-objectivation sur la santé mentale des femmes ont été beaucoup plus étudiées par les scientifiques que celles, directes, des expériences extérieures d’objectivation sexuelle10.

L’auto-objectivation a des conséquences psychologiques. Elle augmente l’anxiété des femmes à propos de leur apparence physique (c’est-à-dire, leur peur de comment et quand leur corps va être regardé et évalué), leur anxiété par rapport à leur sécurité physique (par exemple, la peur d’être violée), ainsi que la honte qu’elles ressentent par rapport à leur corps (émotion résultant du fait de se comparer à des standards de beauté et de ne pas les atteindre)2,10,11. A l’inverse, elle diminuerait le « flow » (état mental lorsqu’on est complètement immergé-e dans une activité) et l’intéroception (la conscience des sensations corporelles internes, comme la faim, l’excitation sexuelle, les contractions de l’estomac, etc.) 2,10,11. Tout cela, ainsi que les expériences extérieures d’objectivation sexuelles entraîneraient certains problèmes mentaux comme la dépression, les troubles des conduites alimentaires ou encore les troubles sexuels 2,10,11.

Conclusion

L’objectivation sexuelle a d’abord été un concept philosophique, avant d’être traduit scientifiquement par une théorie de psychologie sociale. Dans les articles qui suivront, je détaillerai plus en détails les différentes recherches qui ont été faites dans ce domaine.

Pour aller plus loin…

Feminist Perspectives on Objectification : un très bon article qui synthétise bien comment le concept d’objectivation sexuelle a été étudié par différent-e-s philosophes et penseuses féministes. Je m’en suis pas mal inspirée pour la première partie de ce billet.

L’article Wikipédia sur la théorie de l’objectivation, qui est bien détaillé et abouti.

Un article du blog Genre sur le Male Gaze qui explique comment le regard masculin est traduit dans toutes sortes de productions visuelles (cinéma, BD, publicités…)

Bibliographie

1. Bartky SL. Femininity and Domination: Studies in the Phenomenology of Oppression. Routledge; 1990.

2. Fredrickson BL, Roberts T-A. Objectification Theory. Psychology of Women Quarterly. 1997;21(2):173–206. doi:10.1111/j.1471-6402.1997.tb00108.x.

3. Papadaki E. Sexual Objectification: From Kant to Contemporary Feminism. Contemporary Political Theory. 2007;6(3):330–348. doi:10.1057/palgrave.cpt.9300282.

4. Papadaki E. Feminist Perspectives on Objectification. In: Zalta EN, ed. The Stanford Encyclopedia of Philosophy. Winter 2012.; 2012. Available at: http://plato.stanford.edu/archives/win2012/entries/feminism-objectification/. Accessed August 5, 2013.

5. Kant E. Leçons d’éthique. Paris

6. MacKinnon CA. Feminism Unmodified: Discourses on Life and Law. Harvard University Press; 1987.

7. Nussbaum MC. Objectification. Philosophy & Public Affairs. 1995;24(4):249–291. doi:10.1111/j.1088-4963.1995.tb00032.x.

8. Langton R. Sexual Solipsism: Philosophical Essays on Pornography and Objectification, by Rae Langton. European Journal of Philosophy. 2011;19(2):327–334. doi:10.1111/j.1468-0378.2011.00478.x.

9. Beauvoir S. Le Deuxième Sexe. Paris: Gallimard; 1949.

10. Szymanski DM, Moffitt LB, Carr ER. Sexual Objectification of Women: Advances to Theory and Research. The Counseling Psychologist. 2011;39(1):6–38. doi:10.1177/0011000010378402.

11. Moradi B, Huang Y-P. Objectification Theory and Psychology of Women: A Decade of Advances and Future Directions. Psychology of Women Quarterly. 2008;32(4):377–398. doi:10.1111/j.1471-6402.2008.00452.x.

87 réflexions sur “L’objectivation sexuelle des femmes : un puissant outil du patriarcat – Introduction

  1. Bonjour !

    Petite bêta-lecture pour que tout soit absolument parfait (tu me donnes l’impression de quelqu’un de perfectionniste !) :
    – « Le concept d’objectivation sexuelle a ensuite était repris » -> été repris
    – Il y avait une répétition malheureuse dans la liste, mais entre temps tu l’as corrigée, super. 🙂
    – « En effet, selon elle, en régime patriarcale » -> patriarcal

    Voilà pour le pinaillage un peu superflu.

    Le plus essentiel, c’est que l’article est vraiment intéressant, clair, concis, bien écrit, allant droit au but. Et surtout instructif ! Merci beaucoup !!!

    Question : ce que Szymanski & Moffitt appellent le « flow » et que tu définis par « état mental lorsqu’on est complètement immergé-e dans une activité »… c’est la capacité de concentration ? tout simplement ?

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  3. De rien, ça me fait ça aussi et j’aime bien que l’on m’indique les coquilles que je n’ai pas repérées à la relecture pour pouvoir les corriger, alors je me suis dit que c’était peut-être ton cas aussi. 😉

    Merci beaucoup pour les indications supplémentaires et pour l’article, je vais lire ça !!! Ainsi que les liens que tu as mis enfin d’article « pour aller plus loin » !
    Merci merci !

    Bonne journée !

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  6. Objectivation ou objectification? Objectiver ou objectifier? Y a-t-il vraiment une différence entre ces mots? Du coup j’ai un doute.
    En tout cas, superbe article! Merci!

    • Hum… je me suis aussi posée la question, mais je crois bien – après quelques recherches sur Google – qu' »objectivation » est le bon terme en français. En anglais, c’est « objectification ».

      En français, on a aussi réification.

      • Même si elle n’est pas de votre fait, je pense qu’il s’agit d’une traduction malheureuse. L’anglais distingue bien « to objectivate » (objectiver, rendre objectif) et « to objectify » (objectifier, traiter comme un objet). Dans le contexte présent il vaudrait donc mieux dire objectification, et garder l’objectivation au fait de rendre objectif (par opposition à subjectif).

        • Merci pour cette précision. Je vais rester sur le terme « objectivation » pour le reste des articles de cette série, histoire de rester constante, mais je choisirais un autre terme à d’autres occasions.

  7. J’ai l’impression tout de même que les femmes se regardent entre elles de façon continuelle, avec des commentaires souvent, rarement aimables, plus que les hommes sur les femmes. Le « female gaze » sur d’autres femmes serait-il un produit dérivé du « male gaze », une sorte d’intériorisation collective du regard masculin, la forme accomplie d’une aliénation touchant les femmes ?
    Il faut noter aussi que le « male gaze » varie suivant les cultures; aux USA, par exemple que je connais un peu les hommes regardent rarement les femmes, on a l’impression qu’elles ne les intéressent pas. Au Japon, le « male gaze » semble inexistant; pourtant il s’agit bien d’une société très patriarcale.
    Dans les pays arabes le « male gaze » est réservée aux touristes femmes et pour cause il n’y a rien à regarder concernant le corps des femmes locales dans l’espace public.
    Dans la civilisation gréco-latine, patriarcale aussi, c’est le corps masculin qui représentait le beau et qui était le plus souvent reproduit par les artistes.
    En résumé, le lien entre « male gaze » et société patriarcale n’est ni simple ni si évident.

    • Je pense en effet que ce « female gaze » est une intériorisation de l’objectivation pratiquée par les hommes : on doit leur plaire donc on est dans une sorte de concurrence avec les autres femmes (et ça rend la domination plus aisée si les victimes ne sont même pas solidaires entre elles).
      Pour ce qui est des femmes dans les pays arabes, outre le fait qu’elles ne sont pas toutes voilées de la tête aux pieds, quand elles le sont c’est justement parce que leur corps est considéré comme une menace pour les hommes, qui ne pourraient pas s’empêcher de les regarder (donc de les objectiver). D’ailleurs qu’on te fixe ou qu’on détourne le regard à ta vue, je pense que tu te sens pareillement observé-e, car il y a une attitude bien définie à ton encontre, on ne se contente pas de t’ignorer.

    • Je n’ai pas tout suivi à votre commentaire parce que j’ai l’impression que vous réduisez le concept très large de « male gaze » au harcèlement sexuel visuel (qu’on appelle « cat calling » en anglais, pour info). C’est le regard insistant des hommes qui vous regardent de manière subjective et abusive, particulièrement intimidante.

      Mais je voudrais réagir à cette phrase : »Dans les pays arabes le « male gaze » est réservée aux touristes femmes et pour cause il n’y a rien à regarder concernant le corps des femmes locales dans l’espace public. »

      J’ai expérimenté cette pression du cat calling dans différents pays dont l’Egypte et l’Inde, mais pas en Chine par exemple. Sachez néanmoins que les femmes locales sont autant concernées, simplement vous ne l’avez peut-être pas remarqué, eu pas eu l’occasion de le remarquer car dans ces pays il est fréquent que les femmes ne sortent pas beaucoup, ou pas accompagnées d’un homme.

      Et vous-même, si vous prenez des photos des femmes du pays que vous visitez, faites-vous attention à votre regard masculin, et à ce qu’elles peuvent penser de la manière dont vous les objectivez dans votre objectif, justement ? C’est une question sans a priori.

    • Hum, il y a deux trucs qui m’étonnent dans vos propos:

      -Quand bien même vous parleriez uniquement du « male gaze » au sens de harcèlement de rue, il existe bien aux USA! De nombreux articles à ce propos existent, et je pense aussi à Lacigreen, une YouTubeuse qui a fait une vidéo sur le « cat-calling ».
      D’autre part, le male gaze est omniprésent dans les grosses productions cinématographiques américaines. Un petit tour vers l’adaptation des comics (déjà touchés par le « male gaze » à la base) est révélateur. (Non mais rien que le film de Catwoman…!)

      -Au Japon, je sais pas trop pour ce qui est du harcèlement de rue comme on le connaît chez nous, mais je crois que les cas d’agression et d’harcèlement sexuels, dans le métro par exemple, y sont très courants. Ensuite, les productions de mangas et encore plus de jeux vidéos sont énormément soumises au male gaze (un des cas les plus parlants est sans doute la franchise « Dead or Alive », et d’une façon générale, on connait l’obsession japonaise assumée pour les gros seins et les petites culottes…).

  8. En fait ce « male gaze » n’a pas besoin d’exister dans la réalité: il est gravé dans la tête de beaucoup de femmes et il reflète l’intériorisation d’un rapport de force objectivement en faveur des hommes où le seul moyen d’arriver pour une femme est souvent l’utilisation de son corps comme reproductrice ou source de plaisir sexuel. Si le rapport de force était inversé les hommes auraient aussi le « female gaze » dans leur tête.

  9. « En fait ce « male gaze » n’a pas besoin d’exister dans la réalité »
    En tout cas il existe dans la réalité, c’est comme la violence masculine, n’en déplaise à Bourdieu elle n’est pas « symbolique », elle est aussi tout à fait concrète et réelle. Le male gaze a été une expérience qui m’a été imposé à de nombreuses reprises dans la réalité, et les commentaires émettant des jugements sur les fesses de mes amies provenaient de garçons et jamais de filles. Les notes sur le physique c’est pareil, ce n’était pas le fait des femmes. Je veux bien que les femmes intériorisent dans une certaine mesure le male gaze et l’applique, mais ce sera toujours à une bien moindre échelle que les hommes.
    Excellent article.

    • « Bien que je n’aie aucune illusion sur mon pouvoir de dissiper à l’avance tous les malentendus, je voudrais mettre en garde seulement contre les contresens les plus grossiers qui sont communément commis à propos de la notion de violence symbolique et qui ont tous pour principe une interprétation plus ou moins réductrice de l’adjectif « symbolique », employé ici en un sens que je crois rigoureux et dont j’ai exposé les fondements théoriques dans un article déjà ancien(*P.Bourdieu, « Sur le pouvoir symbolique, 1977). Prenant « symbolique » dans un de ses sens les plus communs, on suppose parfois que mettre l’accent sur la violence symbolique, c’est minimiser le rôle de la violence physique et (faire) oublier qu’il y a des femmes battues, violées, exploitées, ou, pis, vouloir disculper les hommes de cette forme de violence. Ce qui n’est pas du tout le cas, évidemment. Entendant « symbolique », par opposition à réel, effectif, on suppose que la violence symbolique serait une violence purement « spirituelle » et, en définitive, sans effets réels. C’est cette distinction naïve, propre à un matérialisme primaire, que la théorie matérialiste de l’économie des biens symbolique, que je travaille à construite de depuis de nombreuses années, vise à détruire, en faisant sa place dans la théorie à l’objectivité de l’expérience subjective des relations de domination. Autre malentendu, la référence à l’ethnologie, dont j’ai essayé de montrer ici les fonctions heuristiques, est soupçonnée d’être un moyen de restaurer, sous des dehors scientifique, le mythe de l’ « éternel féminin » (ou masculin) ou, plus grave, d’éterniser la structure de la domination masculine en la décrivant comme invariant et éternelle. Alors que, loin d’affirmer que les structures de domination sont anhistoriques, j’essaierai d’établir qu’elles sont le produit d’un travail incessant (donc historique) de reproduction auquel contribuent des agents singuliers (dont les hommes avec des armes comme la violence physique et la violence symbolique) et des institutions, familles, Eglises, Ecoles, Etat. »
      Pierre Bourdieu, « La domination masculine », éditions du Seuil, 1998 : p. 54-55

      Arrêtons d’attribuer à Bourdieu tous les péchés de la Terre alors qu’il a tenté autant qu’il a pu d’anticiper et dissiper ce genre d’interprétation simpliste !!

      + http://p1.storage.canalblog.com/10/26/556760/83297978.pdf

      • Je ne fais que faire un parallèle, une métaphore entre l’aveuglement sélectif,
        – le déni de Jean qui reconnait l’existence du male gaze mais uniquement dans la tête des femmes et pas dans la réalité (je pense que c’est plus compliqué et qu’il sait bien qu’il existe aussi dans la réalité, mais que ce genre de prise de conscience se fait par étape, et qu’il est sur le chemin, c’est juste que je voulais souligner qu’il existe AUSSI dans la réalité et pas seulement dans la tête des femmes) ET
        – le déni que semble faire Bourdieu en n’évoquant quasiment uniquement la violence symbolique et en éludant la violence concrète, (il me semble qu’en France c’est 1 femme violé toutes les 8 minutes chiffre à vérifier quand même, je peux me tromper).

        Je voulais dire que c’est une vision de la réalité qui reconnait une oppression en s’appesantissant sur un aspect de cette oppression, mais en focalisant l’analyse sur un aspect secondaire et pas principal de l’oppression et par la même en « effaçant » l’aspect principal de l’oppression, alors commodément maintenu dans l’ombre. C’est une association d’idée. Parce que dans ma tête, c’étaient deux demies reconnaissances de l’oppression masculine.

        Je connais cette citation de Bourdieu qui dit en substance, « j’entends bien les critiques que vous formulez, mais vous avez mal compris ce que je disais, le problème est là, il n’y a rien à redire à mon travail. » Je trouve que ça ressemble d’ailleurs à du mansplaining cette réponse.

        Alors comme la sociologie n’est pas ma spécialité, et que je n’en ai fait que très superficiellement pendant 2 années à la fac je vous renverrai à cette analyse de léo Thiers-Vidal que vous trouverez ici :
        http://www.chiennesdegarde.com/article.php3?id_article=310#nb2

        Qui m’amène à faire ce parallèle. Je la trouve convaincante. Et même si je ne suis pas autorisée, vu mon manque de connaissance sur Bourdieu et la sociologie en générale, à émettre des jugements en tant que spécialiste, je m’appuie sur cet argumentaire de Léo Thiers-Vidal pour cette affirmation sur Bourdieu et l’association d’idée qui en a découlé.

        • Je comprends bien votre critique sur l’aveuglement (très commode) de Jean et je suis tout à fait d’accord avec vous. Quand je défends la notion de « violence symbolique » de Bourdieu, je ne défends pas Jean.

          Personnellement, je ne trouve pas que la notion de « violence symbolique » ressemble à un mansplaining. Ne pas être d’accord avec des analyses de Bourdieu, c’est justifié si c’est argumenté, mais donner aux mots qu’il emploie un sens qu’il ne voulait pas alors qu’il a bien spécifié ce qu’il ne s’agissait pas de cela, ça ne me semble pas être une lecture honnête. Personnellement, je n’aime pas que l’on déforme mes propos, et je crois que dans l’extrait que je vous ai copié c’est seulement cela qu’il exprimait, et c’est bien légitime.
          (D’ailleurs, j’aimerais bien savoir pourquoi il aurait consacré une partie de sa vie à la théorisation d’un concept en vue de la dénonciation des mécanismes d’oppression si ceux-ci n’étaient que du vent et ne faisaient pas vraiment de mal…)

          Je parcours le lien que vous m’avez passé et je ne suis pas forcément d’accord.
          Je lis par exemple : « Bourdieu privilégie dans son livre l’analyse de la dimension symbolique de la domination masculine. En soi, cela n’est pas un problème, sauf qu’il ne l’annonce pas explicitement » Alors, comment se fait-il que moi, qui l’ait lu en profondeur cet été, je l’aie compris ? Le livre commence sur la critique d’un mythe : c’est-à-dire une représentation du monde venant justifier l’ordre des choses (ce qu’il explique). On est d’emblée dans le symbolique qui vient justifier l’ordre physique. Bourdieu dit explicitement et à de nombreuses reprises que ce qui l’intéresse c’est comment l’usage de la violence symbolique donne l’illusion que la domination est anhistorique (et donc naturelle, disent les phallocrates), alors qu’elle ne l’est pas. Il ne fait que mentionner la violence physique sans la traiter, certes, mais pas en tant qu’il nie sa réalité et son efficacité, mais parce que son objet d’étude ce sont les mécanismes de la justification symbolique de la domination. Parce que la violence physique ne justifie rien et ne donne même pas l’apparence de justifier quoi que ce soit, alors que c’est le propre de la violence symbolique que de venir justifier la domination, aux yeux des dominants ET des dominés.

          Si on se contente de parler de la violence physique, on est au plus près des victimes les plus en souffrance, mais on reste à du factuel. Et on oublie que la violence physique, dénoncée seule, ne convainc pas les phallocrates qu’il y a une injustice profonde dans la domination des femmes par les hommes : aidés d’un discours symbolique millénaire, ils vont seulement vous « expliquer » que les hommes ont plus de muscles que les femmes et sont plus vindicatifs (ils ont des essences de « chasseurs », ou ils ont plus de « testostérone » -> autres recours à des mythes justificateurs, l’un pseudo-ethnologique, l’autre pseudo-biologique), et que c’est donc pour ça qu’il y a plus de violence par les hommes sur les femmes que le contraire, que c’est malheureux mais dans l' »ordre des choses », comme le rongeur est mangé par le carnivore et pas le contraire. Ils vous prétendront que si les hommes et les femmes étaient vraiment égaux, ça ferait belle lurette qu’elles seraient libres de toutes contraintes : mais elles sont faibles, CQFD. (En faisant totalement l’impasse sur le fait qu’un des aspects de la violence symbolique contre les femmes est de les convaincre de leur faiblesse physique et de les décourager dès le départ de toute entreprise de rivaliser avec les hommes, en leur disant à la fois qu’elles n’arriveront jamais à les égaler et que le muscle est en plus disgracieux pour une femme : c’est-à-dire qu’elles n’acquerront jamais le statut d’homme, et perdront leurs maigres prérogatives de femmes (les miettes qu’on leur laisse). Efficace, pour garder la balance des pouvoirs en leur défaveur, n’est-ce pas ?)
          Autrement dit, dénoncer la violence physique seule sans dénoncer la violence symbolique, c’est à mon sens bien moins efficace contre les modes de pensée phallocrates que de dénoncer la violence symbolique sans trop parler de violence physique. Il me semble que c’est pour ça que Bourdieu a choisi cette deuxième posture, ou en tout cas c’est ainsi que je l’ai compris.

          Je connais des jeunes femmes qui n’ont jamais connu la moindre violence physique de la part d’un homme et qui n’en sont pas moins opprimées : on les a convaincues que les femmes étaient plus douces et émotives, les hommes plus forts et rigoureux, et que les femmes étaient bonnes pour materner, décorer et à la rigueur faire des belles lettres, tandis que les hommes étaient faits pour être chefs (d’entreprise, d’Etat…) et scientifiques. Qu’est-ce qui les a amputées de la possibilité de s’imaginer en dehors du cadre sexiste réservé aux femmes ? Pas la violence physique, mais la violence symbolique.

          Même dans les cas de violence physique, la question de la violence symbolique rentre en ligne de compte de manière dramatique. Je suppose que vous avez déjà entendu dire à propos du femme que son compagnon bat « Mais pourquoi ne part-elle pas ??? » Pourquoi ? Parce que violence symbolique : on lui a appris depuis sa tendre enfance que les hommes étaient naturellement violents, que l’amour pour un homme était la destination d’une femme, et que ce qui caractérisait le grand amour, pour une femme, c’est l’abnégation la plus totale.
          Ou quand une femme est violée : le violeur explique qu’elle a accepté de venir chez elle, qu’elle a bu un verre, qu’elle était habillée sexy… donc il croyait qu’elle avait envie. Et là, la société, hommes ET FEMMES (excepté les féministes femmes et hommes), opinent du bonnet : c’est vrai qu’elle n’avait qu’à ne pas entrer dans l’espace privé de cet homme, ni boire, et c’est vrai que sa tenue était suggestive, au fond elle l’a bien cherché. Et le violeur est relâché ! Grâce à qui ? Grâce à la violence symbolique qui justifie à nos yeux la violence physique si elle rentre dans un certain cadre. La culture du viol est, par définition, une violence symbolique.
          [A la base, j’avais écrit « femme battue » et « se fait violer » (je n’ai corrigé qu’en relecture) : preuve s’il en est de la violence symbolique inscrite grammaticalement dans nos inconscients (en l’occurrence, le mien) qui indique la victime comme auteur de son propre malheur. Même quand je suis au courant de la puissance de la violence symbolique, je dois faire un effort conscient pour m’en libérer sinon j’emploie des formules qui viennent justifier cette violence physique par la « nature » et le comportement des victimes !!! Quand on y réfléchit vraiment, c’est absolument abominable !!!]

          La violence symbolique, c’est le socle de justification de toutes les oppressions qui vient s’insinuer dans la tête des opprimés pour leur retirer jusqu’à la volonté et le sentiment de légitimité de la défense de leurs droits. La domination masculine s’exerce par la violence physique, puis se justifie par la violence symbolique, jusqu’au moment où la violence symbolique devient si efficace qu’elle arrive pratiquement à elle seule à garantir le respect de la hiérarchie établie par la violence physique. La violence symbolique a un pouvoir et des effets absolument terrifiants ! Et je ne crois pas que Bourdieu soit particulièrement à blâmer parce qu’il a voulu montrer à quel point elle était dangereusement efficace et nécessaire à l’exercice de la domination, et à la justification et à la minimisation de la violence physique : et il le dit, ça dure depuis des millénaires !

          En tout cas, c’est ainsi que j’ai compris « La domination masculine » de Pierre Bourdieu, et je ne pense pas que cela puisse lui être tenu en grief et le faire considérer comme un ennemi des féministes, au contraire.

          Après, il faut aussi prendre en compte que la dimension de l’ouvrage : il ne fait que 175 pages. C’est un essai introductif qui dégage une idée-force, pas une encyclopédie exhaustive de toutes les avanies infligées aux femmes dans tous les patriarcats depuis des millénaires et assorti d’un glossaire de tous les ouvrages publiés par toutes les féministes avant lui.
          C’est plus honnête de juger cet ouvrage en fonction de ce qu’il est et a vocation d’être, et non pas en fonction des fantasmes d’exhaustivité que l’on peut avoir. Jamais Bourdieu ne prétend lui-même avoir fait tout le tour de toute la question, peut-être faudrait-il cesser d’imaginer entre les lignes qu’il a ce fantasme de toute-puissance.

          • « Personnellement, je ne trouve pas que la notion de « violence symbolique » ressemble à un mansplaining »
            Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je n’ai pas dit que le concept de violence symbolique était du mansplaining, j’ai dit que la REPONSE qu’il faisait, aux critiques qui émanaient, il me semble de sociologues femmes, (puisque d’après ce que je sais ce sont elles qui lui ont adressées ce genre de critique arrêté moi si je me trompe?), ressemblait à du mansplaining.
            Répondre à des spécialistes de votre discipline qu’elles font une erreur naïve (c’est utilisé dans quel sens d’ailleurs ? naïf = non expert ou naïf = niais) et que son travail est parfait, car le seul problème réside dans le fait qu’il est un peu trop compliqué à comprendre par les intéressées me parait un peu arrogant. Voilà et comme cela s’adresse à des femmes qui ont étudiés le domaine avant lui et qui s’y connaissent mieux, je trouve que ça répond exactement à la définition de mansplaining. Mais ce n’est que mon avis personnel, je vous l’accorde bien volontiers.

             » Il ne fait que mentionner la violence physique sans la traiter, certes, mais pas en tant qu’il nie sa réalité et son efficacité, mais parce que son objet d’étude ce sont les mécanismes de la justification symbolique de la domination.  »

            Voilà, vous avez mis le doigt sur le reproche qui lui est adressé. Il ne veut pas s’intéresser, voir et étudier le principal mécanisme de domination des hommes sur les femmes, il ne fait que le mentionner, et détourne l’attention d’une manière brillante (certes) en focalisant son analyse sur le niveau symbolique. C’est justement le reproche qui lui est adressé. Voyez j’ai lu la domination masculine il y a plusieurs années, et il ne m’en reste que des impressions, un peu comme le deuxième sexe, je l’ai bien lu, mais je serais bien en peine d’en parler précisément. C’est pour cela que je me réfère à une critique faite par un autre, qui a lui étudié très précisément, rassemblé des arguments, des citations, des faits pour prouver ce qu’il avance. Mon propos est qu’il oublie en cela le PRINCIPAL, la violence concrète exercé à l’encontre des femmes, en tant qu’outil de domination.

            « la violence physique ne justifie rien » =>, la violence physique apprend à avoir peur, et à se soumettre, dans certaines conditions, la violence physique et sexuelle provoque des dysfonctionnements psychique et dans la relation à l’autre qui produit de la subordination.

            « Si on se contente de parler de la violence physique, on est au plus près des victimes les plus en souffrance, mais on reste à du factuel »
            Cette affirmation n’engage que vous, si vous faites une étude sur la domination masculine et que vous parlez du viol, de la prévalence de ce dernier, de l’analyse des victimes, sexe, âge, statut marital, si vous étudiez les relations entre la victime et l’agresseur, vous aurez de quoi produire une analyse sociologique, à mon avis. Je pense aussi qu’une étude sur la violence conjugale pourrait être intéressante etc.

            « Et on oublie que la violence physique, dénoncée seule, ne convainc pas les phallocrates qu’il y a une injustice profonde dans la domination des femmes par les hommes  »
            AHAHA, rien ne convaincra les phallocrates, ils savent très bien que c’est injuste mais ils s’en foutent. Ce que vous dites me fait penser à une étude qui mesurait la tolérance à la domination de certains sur les autres, en fait ça dépendait de la place qu’occupait les gens, en position subordonnée, ils trouvaient les rapports de domination injuste, en position de domination, ils trouvaient ça juste. Voilà, aussi simple que ça.

            « La culture du viol est, par définition, une violence symbolique. »
            Qui se traduit par de la vraie violence concrète, des femmes violées tout le temps dans la vraie vie.

            Ce que je comprends c’est que vous êtes visiblement séduite par le concept de violence symbolique, mais il n’est pas la seule conceptualisation disponible. Par exemple on peut utiliser la théorie du monde juste pour expliquer comment le blâme porte sur les victimes plutôt que sur les bourreaux. La psychanalyse fournit aussi des théorisations plus que discutables sur le cas du viol, bref, il n’y a pas que Bourdieu dans la vie, et son mythe survivra à des critiques qui m’ont tout l’air d’être justifiées, surtout avec des personnes aussi acharnées que vous à défendre la perfection pure et sans tache de son travail.

            Je me demande si vous avez lu le lien que je vous ai donné ?

            Voyez, le problème c’est que Bourdieu à intitulé son livre « la domination masculine » et pas « La violence symbolique », il a donc vocation, même en 175 pages, à embrasser correctement toutes les facettes de la domination masculine et pas, seulement celle de la violence symbolique qui n’est qu’une partie du problème.

            Je n’ai pas dit que c’est un ennemi des féministes, mais je pense qu’il s’est aveuglé lui-même quand il a écrit ce livre, un peu comme Jean quand il parle du male gaze.

            Je crois qu’on a fait le tour du sujet, parce que là j’ai peur que ce soit franchement de la pollution sur ce blog, vu que ça n’a pas de rapport avec le sujet initial.

            • C’est drôle, vous allez l’air de croire que je voue un culte aussi aveugle que celui que vous vouez à l’article que vous avez partagé en lien.

              Vous oubliez fort commodément que j’ai déjà dit que l’ouvrage de Bourdieu n’était pas, ne pouvait pas et ne prétendait pas être parfait et exhaustif. Et que ce que je défends, ce n’est pas la pureté immaculée de l’ouvrage de Saint Pierre Bourdieu ; ce que je conteste, c’est votre absence totale de compréhension de ce qu’il appelle « violence symbolique » et votre acharnement à vouloir lui donner un sens ridiculement rétréci et fade qu’il a dit et répété qu’il ne lui donnait pas.

              Alors, pour commencer, oui, c’est vrai, Bourdieu aurait sans doute mieux fait d’intituler son livre « La violence symbolique de la domination masculine ». Il a sans doute succombé aux sirènes du marketing qui font qu’un petit livre au titre court et qui claque, ça se vend mieux qu’un autre avec un titre à rallonges qui veut sembler compliqué. (Et non, il n’aurait pas pu l’intituler « La violence symbolique » tout court, parce que s’il l’appelle « La violence symbolique » et qu’il ne parle que de celle de la domination masculine, il y a tous les défenseurs des droits des Noirs, Juifs, homosexuels et j’en passe qui viendraient lui faire remarquer qu’il a oublié une bonne part de l’humanité dans les victimes des divers systèmes de violence symbolique.) Après, ce n’est pas forcément lui qui a choisi ce titre, c’est une pratique courante des maisons d’édition d’imposer à des auteurs des titres qu’ils jugent plus commerciaux (c’est comme ça que « La Nausée » de Sartre a trouvé son titre, alors que lui voulait de base l’intituler « Melancholia » – on peut remarquer dans ce cas-ci que M. Gallimard a eu plus de nez que l’auteur lui-même). Personnellement, c’est la faute de qui, je n’en sais rien, et à vrai dire, je m’en fiche un peu. C’est pénible, mais ça reste des questions d’emballage.
              Donc oui, le titre manque de rigueur. Mais j’ai la faiblesse de croire que même si un mauvais titre est problématique, ce n’est pas une raison pour jeter au feu l’ouvrage entier et pour crucifier l’auteur en place publique.
              L’erreur est humaine, et pardonnable, même chez les grands penseurs. Personne n’est parfaitement parfait ni ne fait de travail parfaitement parfait. Et exiger que qui que ce soit le soit et/ou en fasse, c’est injuste et irrationnel.

              Par contre, NON, le texte que j’ai copié de Bourdieu n’est pas une réponse à des sociologues féministes. C’est un extrait de « La domination masculine », qu’il a écrit avant qu’on crie haro sur le baudet en faisant des erreurs d’interprétation à tort et à travers s’il ne prenait pas le temps d’expliciter et de souligner au marqueur rouge et en grandes lettres luminescentes des distinctions claires et précises et d’expliquer que s’il se focalisait sur ce sujet ce n’était PAS pour rendre invisibles les violences physiques. (Au passage, comme il ne prétend pas être le seul à écrire sur la domination masculine et qu’il cite un certain nombre de références, il serait peut-être intelligent de considérer qu’on peut aller chercher son bonheur ailleurs si ce n’était pas ce qu’on cherchait. De plus, peut-être a-t-on oublié un détail dans l’affaire : peut-être parce qu’il ne parle pas de la violence physique des hommes contre les femmes parce que lui-même n’y a jamais été personnellement confronté, et qu’il ne préfère pas se risquer sur la pente savonneuse de parler de ce qu’il ne connaît pas vraiment ? Ne mieux vaut-il pas se taire quand on risque de raconter des idioties à force d’être trop éloigné de son sujet ? Alors que la violence symbolique agit à tous les niveaux de notre société, il y a été forcément confronté de multiples fois.)
              Donc NON, ce texte n’est pas du mansplaining a posteriori face à des femmes féministes qui savent forcément toujours mieux que tout le reste de l’univers.
              C’est simplement un effort définitionnel rigoureux. Et si vous voulez critiquer la notion qu’il élabore, vous en avez bien le droit, les sociologues et philosophes féministes ont bien le droit (et même le devoir) de la passer au crible critique mais encore faut-il avoir compris le sens et les implications de la notion en question.
              Quand vous me citez (« La culture du viol est, par définition, une violence symbolique. ») et commentez ensuite avec « Qui se traduit par de la vraie violence concrète, des femmes violées tout le temps dans la vraie vie », c’est bien la preuve flagrante que vous n’avez rien compris à ce que Bourdieu a conceptualisé sous le nom de « violence symbolique ». Quand vous vous entêtez à penser que « symbolique » veut dire « imaginaire », « irréel », « abstrait », « anodin » et que ça s’oppose à « concret », « efficace », « véritable », « réel », « important », vous êtes dans l’erreur la plus grossière que l’on puisse faire sur le concept de violence symbolique théorisé par Bourdieu.
              Là, à mon sens, ce que vous faites c’est un peu comme si je voulais critiquer la notion de « grotesque » qu’a élaborée Mikhaïl Bakhtine en disant que de toute façon Bakhtine ne sait même pas de quoi il parle, et que je déclarais au mépris total de ses efforts de définitions et d’explications dans ses ouvrages que le « grotesque » ça ne veut dire que « grossier, difforme, ridicule et moche », que ça n’a aucun intérêt, et qu’on n’a qu’à mettre toute sa théorie critique à la poubelle.

              De plus, vous ne vous méprenez pas que sur les mots employés par Bourdieu, mais aussi si ceux que j’utilise. Quand je dis « La violence ne justifie rien » et que vous répondez « la violence physique apprend à avoir peur, et à se soumettre, dans certaines conditions, la violence physique et sexuelle provoque des dysfonctionnements psychique et dans la relation à l’autre qui produit de la subordination » comme si je le niais et que ça s’opposait d’aucune façon à ce que je disais, ça dénote une incompréhension totale de mon argumentaire et du mot « justifier ».
              Où est-ce que Bourdieu ou moi avons dit que la violence physique n’existait pas et n’avait pas d’effet, au juste ? Nulle part, à part dans votre imagination. La seule chose qui a été dite, c’est que la violence physique a des effets réels directs (blessures, peur, psychotraumatismes, etc.), mais qu’elle ne se suffit pas à elle seule pour se JUSTIFIER aux yeux d’une majorité de la population : elle n’apparaît jamais juste quand elle se déploie toute nue, sans un arsenal rhétorique et symbolique qui va donner la fausse impression qu’elle est logique et bien fondée. D’où la construction de systèmes symboliques (fondamentalement violents, puisque leur but est de garder des groupes de population dans la soumission et de donner le droit aux dominants de les maltraiter) qui viennent remplir cette fonction. (Exemple: Je vis dans une banlieue paisible et je tue mon voisin : le pauvre est certes mort, mais je vais croupir le reste de mes jours en prison (et ne vais jamais recommencer) parce que la société s’accorde pour dire que mon geste est injustifiable. Mais si la maison de mon voisin et la mienne sont séparées d’une frontière étatique et que nos deux nations sont en guerre et que je le tue : tout à coup je deviens une héroïne et je suis portée aux nues ! Et on me laisse tout le loisir de continuer mon massacre. Parce que l’idéologie guerrière vient justifier mon acte. Alors que, concrètement, dans les deux cas, j’ai fait la même chose : j’ai tué mon voisin.)
              Les systèmes symboliques ont de la puissance et des effets CONCRETS. Ils sont là pour donner a posteriori du sens, une logique à l’ordre du monde tel qu’il a été établi. Quand on veut organiser une société de manière inégalitaire, on prend le pouvoir par la force, mais on prend soin d’élaborer aussi une idéologie qui met des menottes mentales aux opprimés afin d’empêcher la majorité de pouvoir penser que cet ordre est injuste. C’est la violence symbolique.
              Vous croyez franchement que l’idéologie nazie n’avait pas de pouvoir ? Vous croyez que les chambres à gaz auraient pu être conçues et remplies s’il n’y avait pas eu « Mein Kampf » et des siècles de culture européenne antisémite pour donner à suffisamment de personnes l’illusion que ces horreurs étaient « justifiées » ?
              Quand je vous dit que la culture du viol est une violence symbolique et que vous ajoutez ensuite qu’elle a conséquences concrètes, vous ne faites qu’avouer malgré vous cette puissance phénoménale de la violence symbolique !!!

              Alors oui, je trouve que l’article que vous m’avez passé, même s’il est intéressant et pertinent sur certains points, est un peu fort de café sur d’autres, et notamment dans sa critique de l’importance que Bourdieu donne à la violence symbolique dans son ouvrage. (Dites, au juste, j’ai le droit de critiquer le lien que vous m’avez passé ? Est-il censé amener la Bonne Parole ? Parce que personnellement, je n’avais pas compris que je devais forcément me soumettre à son autorité indiscutable en étouffant avec un oreiller mon fichu esprit critique.)
              Après, j’aimerais bien savoir pourquoi vous vous faites un point d’honneur à gober forcément tout ce que dit cet article sans faire l’effort de le mettre en relation avec le texte source que vous dites vous-mêmes avoir lus il y a plusieurs années et dont vous n’en avez gardé que de vagues impressions. Bravo pour l’analyse, la précision et la compréhension, vraiment !
              Personnellement, ma lecture est fraîche, j’ai pris la peine de mettre en exergue les passages que je trouvais particulièrement intéressants et pertinents (il y en a d’autres qui le sont moins), je vous ai recopié moi-même un extrait que vous avez balayé d’un revers de main en le qualifiant de « mansplaining » et je vous ai écrit un commentaire à ce sujet avec le texte sous les yeux pour ne pas affabuler sur les vagues impressions qu’aurait pu à tort me laisser une lecture lointaine.

              Par exemple, quand vous citez les mérites de la théorie du monde (lacune de ma part, je ne la connais pas, quelle est-elle ? c’est de quel auteur et dans quel ouvrage ?) pour expliquer « comment le blâme porte sur les victimes plutôt que sur les bourreaux », j’ai l’impression que vous avez oublié dans votre lointaine lecture de Bourdieu que cette tendance à accuser les victimes plutôt que les bourreaux fait partie intégrante des stratégies de ce qu’il appelle « la violence symbolique ». Aux pages 51 et 52 de mon édition, il évoque comment les hommes ont, par domination physique et symbolique, dépossédé les femmes d’armes efficaces et ne leur autorisent pour se défendre que des armes dérisoires et socialement réprouvées, de façon à ce qu’elles restent victimes des hommes tout en les enfermant dans une double-contrainte où elles sont en apparence toujours en tort. Et il conclut : « Les femmes sont ainsi condamnées à apporter, quoi qu’elles fassent, la preuve de leur malignité et à justifier en retour les interdits et le préjugé qui leur assignent un essence maléfique – selon la logique, proprement tragique, qui veut que la réalité sociale que produit la domination vienne souvent confirmer les représentations dont elle se réclame pour s’exercer et se justifier. » (Personnellement, pour avoir vécu ce genre de situation de nombreuses fois, j’étais contente qu’il en parle, qu’il en reconnaisse la réalité et qu’il prenne la peine d’en décomposer le mécanisme.)
              Sans doute y a-t-il des explications supplémentaires au phénomène et des nuances à apporter, mais est-ce que la notion de violence symbolique en devient inutile et est à évacuer direct pour autant ?
              Pourtant, vous insistez, vous l’exécrez, vous n’en parlez qu’en termes péjoratifs, vous la conspuez, comme si c’était la pire invention qu’on ait pu créer dans la mise au jour des mécanismes d’oppression des femmes. …Permettez-moi d’en douter.

              Ce que vous faites là, ce n’est pas une analyse critique. C’est un procès d’intention. Vous avez décrété que Bourdieu était un salaud mansplaineur, qu’il était hypocrite dans ses déclarations et qu’il avait pondu de la merde dans des bas de soie. Et tant pis si vous ne vous souvenez que vaguement de ce que vous en avez lu, vous pouvez brandir un article d’un autre penseur dont vous n’allez pas vérifier la validité pour prouver que vous avez raison, parce que cet autre penseur, pour une raison obscure, a forcément toujours raison.

              Personnellement, je suis d’avis que si les hommes de mon entourage et au-delà se contentaient de lire ce petit bouquin, reconnaissaient la validité des grandes lignes et changeaient leur manière de voir les choses et de se comporter en conséquence, ce serait déjà un ÉNORME pas en avant. Là on en est loin. Alors anéantir comme ça la réputation d’un ouvrage qui peut être très utile comme premier pas d’une transition vers le féminisme juste parce qu’on a décidé que l’auteur se prenait pour le Messie et que c’était le Diable, je trouve ça particulièrement myope.

              • Je suis effrayée par la quantité de réponse dont vous m’avez gratifiée. De plus, je commence à me lasser de vos leçons. Je ne suis pas une petite fille à chapitrer, je vous prierai de vous en souvenir.

                « Quand vous vous entêtez à penser que « symbolique » veut dire « imaginaire », « irréel », « abstrait », « anodin » et que ça s’oppose à « concret », « efficace », « véritable », « réel », « important », vous êtes dans l’erreur la plus grossière que l’on puisse faire sur le concept de violence symbolique théorisé par Bourdieu. »
                => Relisez ce que j’ai écrit, je n’ai pour ma part pas dit ça, vous me prenez pour une idiote ou vous le faîtes exprès.

                « lacune de ma part, je ne la connais pas, quelle est-elle ? c’est de quel auteur et dans quel ouvrage ?  »
                => c’est très facile à réparer, il vous suffit d’une petite recherche google si vous souhaitez en savoir plus. Je n’ai pour ma part pas vocation à faire votre éducation comme vous avez visiblement entrepris de faire la mienne.

                « j’ai l’impression que vous avez oublié dans votre lointaine lecture de Bourdieu que cette tendance à accuser les victimes plutôt que les bourreaux fait partie intégrante des stratégies de ce qu’il appelle « la violence symbolique ».  »
                => J’ai l’impression que vous ne comprenez pas ce que je vous dit. Ce que je vous dit, c’est que c’est un concept intéressant (la violence symbolique), mais que vous n’avez plus l’air de voir le monde qu’à travers ce concept. Je rappelle à votre bon souvenir que la réalité ne tient pas entièrement dans des concepts, ET qu’il existent plein d’autres manières de conceptualiser le monde qui ont aussi de l’intérêt et qui se rapproche plus ou moins près de la « réalité », si tant est qu’elle puisse exister hors du regard de l’observateur. La théorie du monde juste est juste un exemple de conceptualisation qui vient appuyer mon propos en tant qu’exemple, pour ne pas parler de manière totalement abstraite.

                « mais est-ce que la notion de violence symbolique en devient inutile et est à évacuer direct pour autant ? »
                => Encore une fois, je n’ai pas dit cela, je pense même, et il me semble l’avoir dit que c’était un excellent concept, maintenant, il échoue à expliquer tous les mécanismes de la domination masculine. Personnellement quand je lis Andrea Dworkin (des extraits, car je n’ai pas lu un de ses livres en entier pour le moment) je suis INFINIMENT PLUS en phase avec ce qu’elle évoque en termes de domination masculine, et cela fait directement écho à mon vécu en tant que femme, chose que je n’ai pas ressenti en lisant la domination masculine qui ne m’a laissé qu’un souvenir un peu tiède. Alors peut-être que j’étais trop jeune et que je n’y ai rien compris comme vous semblez l’affirmer : « c’est bien la preuve flagrante que vous n’avez rien compris à ce que Bourdieu a conceptualisé sous le nom de « violence symbolique ».

                « Où est-ce que Bourdieu ou moi avons dit que la violence physique n’existait pas et n’avait pas d’effet, au juste ? Nulle part, à part dans votre imagination. »
                => Alors je vous renvoie la question, où est-ce que j’ai dit que Bourdieu disait cela? : Nulle part, à part dans votre imagination. J’ai dit qu’il la faisait passer au second plan, alors qu’elle aurait du être au premier. Voilà ce que j’ai dit. J’ai aussi ajouter que c’était une façon commode d’éviter d’en parler de trop et de l’étudier précisément.

                « Pourtant, vous insistez, vous l’exécrez, vous n’en parlez qu’en termes péjoratifs, vous la conspuez, comme si c’était la pire invention qu’on ait pu créer dans la mise au jour des mécanismes d’oppression des femmes. …Permettez-moi d’en douter. »
                => 😀 Je n’ai pas le souvenir d’avoir atteint cet état que vous décrivez et qui se rapproche de la transe (haineuse ?)

                « Ce que vous faites là, ce n’est pas une analyse critique. C’est un procès d’intention. Vous avez décrété que Bourdieu était un salaud mansplaineur, qu’il était hypocrite dans ses déclarations et qu’il avait pondu de la merde dans des bas de soie. »
                => Vous n’avez pas l’impression d’être un peu excessive? et de déformer mes propos? Vous devenez vulgaire, où ai-je donc parler de merde? de salaud ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir utiliser un vocabulaire ordurier. Ni même d’avoir émis des jugements aussi extrêmes sur Bourdieu où son travail.

                « Alors anéantir comme ça la réputation d’un ouvrage qui peut être très utile comme premier pas d’une transition vers le féminisme juste parce qu’on a décidé que l’auteur se prenait pour le Messie et que c’était le Diable, je trouve ça particulièrement myope. »
                => Merci, je n’ai pas de problème de vue ^^, je prends note de votre avis, mais je ne le partage pas. Je pense d’ailleurs que Bourdieu, son ouvrage et leurs réputations se remettront de l’abominable agonies d’injures que j’ai selon vous déversé sur eux.

                PS: mes excuses, je me suis fourvoyée concernant Bourdieu, ce n’est pas du mansplainig, vous avez raison, puisque ce n’était pas une réponse à des critiques, mais une réponse anticipée à des critiques dont il supposait justement qu’elles seraient faites. Il s’agit donc d’une contorsion anticipée à des critiques qui n’ont pas manquées d’être faites. Cette réponse anticipée est donc tout de même adressée aux spécialistes de sa discipline, des femmes en l’occurrence on peut le supposer vu que les études féministes émanent en général de leur part. Je vous renvoi à la remarque 4. du lien que je vous ai donné et que vous trouvez « un peu fort de café ».

                Chère Tix, je vous conseillerais amicalement de prendre un peu de recul, vous vous faîtes un cinéma incroyable sur ce que je pense de Bourdieu, de la « domination masculine » et des dégâts abominables qui risquent d’en découler sur sa réputation. Je pense que les gens qui voudront se faire un avis sur Bourdieu et son livre seront assez grand pour se le faire eux-même, en lisant cet ouvrage et en se faisant leur propre idée. Maintenant, il s’avère que c’est mon cas, et je vous remercie du temps que vous avez passé pour essayer de me convaincre. Malheureusement, j’en suis toujours au même point concernant ce dernier, et même si cela vous chagrine, je dirais ce que je pense sur Bourdieu quand cela me plaira. IL FAUDRA VOUS FAIRE UNE RAISON.
                J’ai pris la peine d’expliciter ce que je disais (pas ce que vous aviez compris au départ, comme quoi le male gaze serait de la violence symbolique) et je me suis aussi justifiée en long en large et en travers, j’estime que j’ai fait ma part. Je maintiens ce que j’ai dit donc, même si cela vous déplaît, et je vous souhaite une bonne continuation.

    • Ceci dit, je vous soutiens au sujet de la réalité du « male gaze » (mais dire que c’est une violence symbolique au sens où Bourdieu l’entend n’en diminue ni sa réalité ni son effectivité) ; j’ai bien eu des commentaires désagréables de la part de filles sur mon corps, mais les pires qui m’ont été faits c’étaient pas des hommes.

      • Je me suis mal exprimée, je ne voulais pas dire que le male gaze était une violence symbolique, je voulais dire que Jean ne reconnaissait qu’à moitié son existence en le transformant en male gaze qui viendrait des femmes, car intériorisé. De même que je trouvais que Bourdieu ne reconnaissait qu’à moitié la domination masculine en la « réduisant » à une forme de violence symbolique, partagée par les dominées, à savoir les femmes. Et qu’il omettait la violence pas du tout symbolique et bien concrète dont peuvent se servir les hommes au quotidien pour dominer les femmes.
        Je faisais le parallèle entre les deux raisonnements.

        J’ai essayée au maximum d’être claire, mais je suis pas sure d’avoir réussi. Je ne peux pas faire mieux ^^

  10. Merci pour cet article génial qui décrit un phénomène que beaucoup ressentent mais ne parviennent pas à expliquer avec ces mots là, et avec cette précision.
    On se sent beaucoup moins parano après avoir lu tout ça 😉

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  12. Cette série sur l’objectivation s’annonce passionnante ! Je viens de réaliser que comme d’habitude je suis passée à côté de tout un pan de mes études, plombées par ce fichu male gaze… J’ai en effet étudié le concept d’objectivation de Kant lors de mes études en prépa, mais notre prof de philo (un homme bien-sûr) n’a jamais abordé l’objectivation sexuelle ni bien-sûr l’objectivation des femmes. Nous nous sommes uniquement intéressés à des rapports de pouvoir politiques non genrés (c’est à dire masculin en fait, je le réalise enfin) : maître et esclave, liberté morale des individus qui découle du fait qu’ils sont des sujets et non des objets, etc. Tout cela nous a menés à l’existentialisme de Camus et Sartre, mais jamais à Beauvoir ! 😦
    Enfin bon, c’est bien pour cela que le féminisme me passionne : au delà de sa nécessité impérieuse, il me permet de redécouvrir le monde et de réapprendre !

  13. La distinction entre ‘sexe’ et ‘genre’ est on ne peut plus inutile. Les femmes sont opprimées parce qu’il y a une analogie insensée entre nature et politique. C’est un moyen pour légitimer la domination, qui fonde l’humanité sur un attribut corporel : le phallus. Donc distinguer le sexe du genre mène à une réitération de la dichotomie nature/culture, laquelle ne rend pas compte de l’entreprise phallocrate d’asservissement des femmes et nous mène à une tension intenable. Aussi, quand on tourne l’objectif sur le gouvernement phallocrate, l’on voit le caractère arbitraire de son fonctionnement. Parce que ce ne sont pas les normes qui sont la cause de la subordination des femmes aux hommes. Histoire d’éviter le relativisme culturel et politique, il vaudrait peut-être mieux analyser les modalités constantes de la phallocratie. http://beyourownwomon.wordpress.com/2012/07/31/le-genre-tombeau-des-femmes-mort-du-feminisme/

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  25. « Cette théorie postule que beaucoup de femmes sont traitées comme des objets sexuels et que cela conduit à l’apparition de maladies mentales que l’on retrouve de manière prédominante chez les femmes (dépression, troubles alimentaires, etc.). Ce processus emprunte deux voies: La première voie est directe : les expériences d’objectivation sexuelle (le fait d’être traitée par autrui comme un objet sexuel) provoquent directement des troubles mentaux. La seconde voie est indirecte et passe par l’intériorisation des femmes du regard d’autrui sur elles-mêmes. C’est ce qu’on appelle l’auto-objectivation. »
    si je comprends bien la moitié de la population souffre de troubles mentaux ?

    • Non, ce n’est pas ça.

      Ce que ça dit c’est que l’objectivation sexuelle est un facteur de risque pour des troubles mentaux très divers (allant d’un « simple » manque d’estime de soi jusqu’aux troubles dissociatifs graves, en passant par les troubles du comportements alimentaires). Ca ne signifie pas que toutes les personnes subissant une forme d’objectivation sexuelle vont forcément développer un trouble mental. C’est comme pour l’alcool : toutes les personnes qui en boivent ne vont pas développer un cancer. Par contre le lien entre consommation d’alcool et apparition de cancers est établi. Certains facteurs augmentent les chances, ça ne veut pas dire qu’on est dans une sorte de fatalité.

      Pour ce qui est de l’objectivation sexuelle, en plus, c’est vaste : les troubles induits par le « male gaze » (regard masculin) et par les violences sexuelles ne sont pas les mêmes et n’apparaissent pas avec la même probabilité. Et puis il y a d’autres facteurs (âge, répétition de l’objectivation, etc.)

      En gros, tout ce que la théorie de l’objectivation sexuelle postule c’est que comme les femmes sont plus souvent victimes d’objectivation sexuelle, elles sont plus sujettes à certains troubles mentaux. Et on le sait que les femmes sont en moyenne plus touchées par les troubles dissociatifs, par les troubles du comportement alimentaire ou par une mauvaise image corporelle (honte et haine de son corps).

  26. Cet article est passionnant et discutable !
    Il a le mérite de rappeler la racine kantienne du féminisme.
    Mais la pensée de Kant ne prend son sens qu’à la lumière de l’impératif catégorique et du respect de la dignité humaine.
    Or , ici , faire une distinction homme / femme serait un contresens .

  27. Kant a conceptualisé l’introduction du capitalisme dans le couple amoureux en définissant le mariage comme un « contrat de propriété sur le sexe d’autrui », y a pas plus porno dans le genre comme juriste.
    Hegel déjà avait été horrifié par cette définition, et, avait tenté de redonner un second souffle à l’amour romantique, selon lui gravement mis à mal par le « rationalisme des « lumières » » de Kant, en le recentrant sur la famille en général, comme sphère éthique particulière régie par la gratuité, le respect inconditionnel, la bienveillance et le réconfort mutuel, etc.

    Si vous voulez approfondir la question, les textes en question sont: la Métaphysique des moeurs, livre sur « la doctrine du droit » pour Kant, et, pour Hegel, « La philosophie du droit », chapitre sur la famille + Esthétique, vol.2 (ed. Aubier), le chapitre sur l’amour romantique je crois. Dans toutes les BU et BM quasiment.

    Maintenant c’est vrai qu’ on va pas tirer les normes pour aujourd’hui de ces vieux textes poussièreux mais c’est pas mal de voir quand même en détails les justifications d’époques aux normes d’époque. à nous d’inventer maintenant les formes futures de socialité qui correspondent à notre époque et aux problèmes civilisationnels qui se posent aujourd’hui (l’amour, le sexe, la reproduction, l’éducation sont toujours des questions d’actualité mais nos conditions matérielles d’existence tout comme nos cultures ont elles bien changé…)

    • Merci pour ces précisions. Je précise que j’ai conscience que Kant n’est pas un grand progressiste, mais sa notion d' »objectivation » est celle qui a inspiré les théoriciennes féministes citées dans l’article.

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  31. J’ai lu les trois parties de cette articles que j’ai bien sur rapidement partagé à mes connaissances. Articles détaillé et super bien construit, merci beaucoup.
    Je dormirai moins bête ce soir !

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  39. https://polldaddy.com/js/rating/rating.jsAu fond ça rejoint mes propres analyses : une fois que l’inégalité de droits juridiques.est atteinte, le principal obstacle à l’épanouissement des femmes et à la défeminisation est l’esprit des femmes elles même, qui s’objectivent toutes seules.

    Oui les hommes objectives, mais je me demande si ils objectiveraient autant si les femmes ne confirmaient pas ce comportement et la philosophie derrière en s’auto objectivant

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